Mesures protectionnistes en hausse : quels impacts pour le commerce mondial ?

Avec la crise de 2008-2009, la tendance au protectionnisme s’est largement accrue au sein d’un grand nombre de pays avancés et émergents. L’utilisation des barrières douanières a ainsi doublé depuis 2009. Ce phénomène, déjà largement favorisé, a pris une ampleur nouvelle avec l’élection de Donald Trump à la présidence américaine. Si l’effet direct de ces mesures est fortement ressenti par les pays prioritairement ciblés, l’effet indirect sur leurs partenaires commerciaux n’est pas à négliger. Il induit notamment une diminution des exportations des pays partenaires vers les pays touchés. Certains secteurs sont particulièrement impactés.

Une tendance globale au protectionnisme commercial

Depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, les politiques d’ouverture commerciale étaient la norme. La crise de 2008 – 2009 a véritablement changé la donne en convertissant toujours plus de pays au protectionnisme. Politique d’Etat visant à protéger ses entreprises contre la concurrence d’entreprises étrangères, le protectionnisme recoupe différentes formes : quotas d’importations, droits de douane, mesures d’anti-dumping, subventions à l’exportation. Aujourd’hui, le nombre net de mesures protectionnistes mises en œuvre dans le monde est 2,5 fois plus élevé qu’en 2010. Cette tendance s’observe dans un grand nombre de pays : les Etats-Unis, bien évidemment, mais aussi l’Europe de l’Ouest, le Japon, le Canada, l’Australie ainsi que dans un certain nombre de grands pays émergents parmi lesquels le Brésil, l’Argentine ou l’Inde.

Instrument, secteur et pays ciblés en priorité

Dans ce cadre, l’instauration ou l’augmentation des droits de douane sur les importations a représenté un instrument de plus en plus utilisé. Il représente aujourd’hui 16% des mesures protectionnistes en place à l’échelle mondiale contre 8% en 2009. Une hausse variable d’un pays à l’autre puisque l’augmentation de la part des droits de douanes dans les mesures en place est de 0,7 à 5,7% en Allemagne et en Union Européenne, de 2,6% à 9% en Chine, alors qu’elle reste stable aux alentours de 20% au Brésil. Toutefois, s’ils sont de plus en plus utilisés, ceux-ci restent minoritaires puisque 84% des mesures protectionnistes recensées par GTA (Global Trade Alert) dans le monde sont plutôt de l’ordre de subventions publiques à l’exportation, de décisions de localisation de marchés publics et d’autres mesures non tarifaires. Parmi les secteurs d’activités les plus touchés par ces mesures, les secteurs manufacturiers sont les plus impactés et notamment les secteurs des métaux, de l’automobile, de l’aéronautique, du bois et du papier et des produits chimiques organiques. La Chine, quant à elle apparaît en première ligne des pays ciblés. Fin août 2018, le nombre de mesures protectionnistes nettes à l’encontre des produits chinois était deux fois supérieur à celui vers les autres pays ciblés (Allemagne, France, Italie, Canada, Inde, Corée du Sud).

Le cas particulier des Etats-Unis

Cette tendance s’est notamment renforcée avec l’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis. Depuis le début de l’année 2018, l’administration américaine a en effet mis à exécution un certain nombre de ses menaces en matière de protectionnisme commercial via l’instauration de droits de douane sur les importations de différents produits : les panneaux solaires et machines à laver en janvier, l’acier et l’aluminium en mars, puis juin pour l’Union Européenne, le Mexique et le Canada, et août pour la Turquie. Elle a également confirmé la taxation d’importations chinoises à hauteur de 50 milliards de dollars US en juillet, puis 200 milliards USD supplémentaires en septembre. La part des droits de douane sur les importations parmi les mesures en place est ainsi passée de 2,3% en 2009 à 5,4% en 2016 et à 12,5% en 2018. L’ensemble de ces mesures représente des restrictions sur le commerce à hauteur de 12% des importations des Etats-Unis. Sur la même période, 8% de ses exportations ont été affectées par des mesures de rétorsion.

L’effet de contagion sur les chaînes de valeur mondiales

Les premiers effets de ce changement de politique commerciale mondiale, et particulièrement américaine, seront bien évidemment ressentis par les pays principalement ciblés par ces mesures. Mais selon la Coface, la seule évaluation de ces effets directs est insuffisante pour apprécier l’ampleur du choc sur le commerce mondial. Face au développement des chaines de valeur internationales, nécessitant de multiples échanges et franchissements de frontières avant l’obtention du produit fini, la question de cette hausse du protectionnisme sur les chaînes de valeur sectorielles est primordiale. Principalement concentrées au niveau du secteur manufacturier, ces chaînes de valeur réunissent l’ensemble des entreprises ou filiales participant à la fabrication d’un produit sur différents lieux de production, de la matière première au produit fini. Particulièrement longues et développées pour certains secteurs, tels l’automobile ou les technologies de l’information et de la communication, elles se caractérisent par l’interdépendance des acteurs impliqués. A ce titre, tout choc intervenant auprès d’une entité aura pour conséquences pour les autres un effet néfaste. Grâce à son estimation réalisée sur les exportations de valeur ajoutée de 12 secteurs d’activités de 63 pays entre 1995 et 2011, la Coface a ainsi mis en lumière l’impact négatif des droits de douane américains sur les exportations. L’augmentation d’un point de pourcentage des barrières tarifaires américaines imposées à un pays donné résulte en effet, toute chose égale par ailleurs, en une diminution de 0,46% des exportations de valeur ajoutée d’un partenaire vers le pays ciblé. Dans le cas des secteurs manufacturiers cette diminution des exportations atteint 0,6% avec des scores très élevés dans certains secteurs : le transport (-4,4%), la machinerie (-3,1%), ainsi que le secteur minier (-3,1%), le papier-bois (-2,4%) ou l’électronique (-1,4%).

Sources 

Coface – Mesures protectionnistes américaines : l’effet de contagion sur les partenaires commerciaux des pays touchés sera significatif.

http://www.coface.fr/Actualites-Publications/Actualites/Mesures-protectionnistes-americaines-L-effet-de-contagion-sur-les-partenaires-commerciaux-des-pays-touches-sera-significatif