Le retour de l'Iran sur le marché international : quels enjeux?

Suite à l’accord P5+1 intervenu en juillet 2015 et après cinq ans de sanctions, l’Iran fait son grand retour sur la scène mondiale.
Un retour marqué par de forts enjeux à l’international, puisqu’il devrait notamment peser sur la croissance mondiale via le secteur pétrolier, mais également par de très forts enjeux pour le pays qui devrait retrouver de grandes perspectives de développement : reprise de la croissance, reprise du commerce extérieur, des investissements étrangers, augmentation de la production de pétrole, etc.
Toutefois la prudence reste de mise selon la Coface qui a réalisé cette analyse, face aux énormes défis auxquels le pays devra faire face dans un contexte conjoncturel mondial défavorable.

La fin d’une période de lourdes sanctions

C’est à partir de la révolution iranienne et de la prise d’otage de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979, que les Etats-Unis ont débuté la restriction de leurs activités économiques avec l’Iran. Ces sanctions ont ensuite été progressivement renforcées, en 1995 et en 2005, puis en 2010 lorsque les autres pays occidentaux, et notamment l’Europe, ont imposé le même type de restrictions sur les activités de leurs entreprises avec l’Iran, et enfin en 2012, lorsque les Etats-Unis ont interdit toute transaction pétrolière avec l’Iran et l’Europe a introduit le boycott des exportations du pétrole iranien ainsi que plusieurs sanctions sur le commerce et le secteur bancaire.
L’objectif était alors d’isoler financièrement l’Iran et de l’empêcher de développer tout programme d’armement nucléaire.
Le récent accord P5+1 résulte ainsi de plus de dix ans de négociations diplomatiques avec l’Iran. Il prévoit la restriction du programme nucléaire iranien en échange d’une levée graduelle des sanctions ces dix prochaines années avec une période de sûreté de quinze ans en cas de non respect de ses engagements par l’Iran.

De fortes opportunités pour l’Iran et les économies mondiales

La levée des sanctions internationales devrait ainsi permettre à l’Iran, mais aussi aux économies mondiales de profiter de nouvelles opportunités.
L’Iran est la deuxième plus grande économie du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). Selon le FMI, son PIB s’élève à 416,5 milliards de dollars, quand sa population représente un potentiel de 75 millions de personnes aujourd’hui fortement attirées par les marques internationales.
Avec une croissance prévue à 3,8% en 2016 due notamment à la levée des sanctions internationales, l’Iran espère attirer au minimum 50 milliards de dollars d’investissements étrangers par an. Et les opportunités sont grandes dans de multiples secteurs comme les transports, le logement ou les travaux publics, mais surtout dans les secteurs pétrolier, gazier et automobile sur lesquels l’économie iranienne repose largement.
En matière de transport, le président iranien, Hassan Rohani, signait ainsi en janvier 2016 un accord avec la France pour acheter 118 avions Airbus pour une valeur de 25 milliards de dollars et signait dans le même temps différents accords avec des entreprises italiennes en matière de transports, infrastructure et machinerie, ou avec la Chine pour la construction de centrales nucléaires.
En matière d’énergie, l’Iran, qui détient la quatrième plus grande réserve de pétrole au monde après le Venezuela, l’Arabie Saoudite et le Canada, et la deuxième plus grande réserve de gaz devrait fortement bénéficier de la levée des sanctions. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la production iranienne de pétrole brut devrait ainsi passer de 2,8 millions de barils/jour en 2015 à 3,1 millions de baril/jour en 2016, puis 3,6 millions de barils/jour en 2017 alors que la nouvelle ouverture du pays devrait encourager les investissements étrangers dans ce secteur, notamment des compagnies pétrolières qui étaient présentes avant les sanctions.
En matière d’industrie automobile, l’Iran qui était auparavant le plus important constructeur automobile du Moyen-Orient devrait également bénéficier de la levée des sanctions. Le secteur occupe la deuxième place après le pétrole et le gaz et représente 10% du PIB. L’administration iranienne a ainsi récemment signé de nombreux accords concernant l’industrie automobile, notamment un projet de joint venture entre PSA Peugeot Citroën et le constructeur iranien Khodro. Et des projets similaires semblent en cours de négociation avec Renault, Daimler, Volkswagen, Fiat ou Skoda.

Un retour limité par des difficultés structurelles et un contexte mondial morose

Malgré ces perspectives encourageantes, la Coface estime que le retour de l’Iran sur le marché international ne se fera pas sans difficultés et sans risques. Le pays qui est en effet relativement fermé depuis plusieurs années et qui représente le dernier grand marché à ne pas faire partie de l’OMC, devra s’ouvrir progressivement, en vue notamment de limiter les éventuels effets négatifs sur le pays, en particulier sur ses taux de change, dus à une ouverture trop soudaine.  Les autorités sont favorables à une ouverture progressive des barrières tarifaires et non tarifaires. Ce qui devrait dans un premier temps limiter les échanges avec le marché mondial.
Plus globalement, l’isolation du pays, son manque de compétitivité, le manque d’investissement, la faiblesse de ses infrastructures routières, aériennes ou portuaires et un système bancaire fragile devraient freiner pendant quelques temps l’intégration de l’Iran au sein de l’économie mondiale. Certains secteurs peu préparés à la compétition mondiale devraient particulièrement souffrir comme l’agriculture et l’industrie.
De même, cette ouverture intervenant dans un contexte économique international défavorable et dans une période troublée pour la région, pourrait conduire à une revue à la baisse des bénéfices dus à la levée des sanctions, y compris dans le secteur pétrolier qui subit actuellement une forte baisse des prix. L’arrivée sur le marché mondial d’un million de baril supplémentaire par jour en provenance de l’Iran devrait en effet renforcer le déséquilibre entre l’offre et la demande et pourrait conduire à la fois à une nouvelle baisse des prix en 2016 et à un ralentissement des investissements des grandes compagnies pétrolières en Iran. Ce qui ne serait pas sans difficultés pour le pays qui compte en grande partie sur ce secteur pour booster l’économie du pays.

Source : Coface – « Iran : virage serré en vue, à négocier prudemment »
http://www.coface.com/fr/Actualites-Publications/Actualites/Iran-virage-serre-en-vue-a-negocier-prudemment