La filière laitière française face à la fin des quotas laitiers

Ces dernières semaines ont été marquées par une crise importante de la filière laitière en France et notamment les revendications des éleveurs en faveur de la hausse des prix  du lait. Cette crise importante intervient notamment dans le cadre de la fin des quotas laitiers en Europe, entrée en vigueur le 1er avril dernier. Ceux-ci, mis en place en 1984, régulaient le marché depuis plus de 30 ans. Leur suppression provoque des réactions contrastées, et en particulier une inquiétude quant à une forte baisse des prix.
Dans ce contexte, revenons sur l’état des lieux de filière laitière. Quelle est la situation aujourd’hui en France, en Europe et dans le Monde ? Quels sont les risques et, a contrario, quelles sont les opportunités liées à la fin des quotas laitiers?

La filière laitière en France, en Europe et dans le monde

> Les grandes tendances mondiales
Grâce à la croissance démographique et économique des pays émergents ainsi que des gains de productivité, la production laitière mondiale a augmenté de 56% depuis 30 ans. Cette croissance traduit notamment la montée en puissance des pays en développement comme l’Inde, la Turquie, la Nouvelle-Zélande, le Brésil ou l’Argentine. L’Inde est à ce titre, tous laits confondus, le premier pays producteur au monde. Même si les Etats-Unis restent en tête concernant le lait de vache qui, rappelons le, représente plus de 80% des quantités produites. Même constat au niveau de la consommation où, bien que demeurant plus élevée dans les pays développés, l’écart se réduit du fait de l’amélioration des revenus, des équipements et des habitudes alimentaires.

> La bonne position de l’Union Européenne
En Europe, alors que la consommation a baissé de 2% entre 2008 et 2013, la production a augmenté de même sur la période. L’Allemagne est le 1er producteur européen avec 22% de la production totale, suivi par la France (17%), le Royaume-Uni (10%), la Pologne (9%), les Pays-Bas (8,6%) et l’Italie (7,9%). Les exportations extra-européennes, notamment celles des produits transformés (beurre, fromages, poudre de lait), sont de même très dynamiques et contribuent fortement à la croissance des exportations. Le commerce extérieur des produits laitiers progresse ainsi, atteignant 9,3 milliards d’euros en 2013. Les principaux clients sont la Russie, les Etats-Unis, la Chine.

> Le point sur la situation française
La France, quant à elle, est le 8ème producteur de lait dans le monde. Cette croissance est notamment le fruit de grandes restructurations ces dernières années. Le nombre des producteurs est aujourd’hui six fois moins nombreux qu’en 1983, alors que la productivité moyenne par producteur a été multipliée par cinq. Cette concentration, notamment dans l’Ouest de la France (6,8% du total de la production européenne) semble avoir été positive à la productivité laitière qui, avec 27,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013, occupe le 2ème rang de l’industrie agroalimentaire française.

Les risques liés à la libéralisation pour les producteurs de la filière française

> La volatilité des prix et des coûts de production
La suppression des quotas laitiers intervenant dans un contexte de volatilité des prix et des coûts et de baisse des aides de l’Union Européenne, inquiète fortement les producteurs qui craignent une forte baisse des prix du fait de l’ouverture de l’offre et de la pression de la concurrence. Même constat au niveau des coûts de production, puisque les entreprises du secteur doivent faire face à la très forte volatilité des prix des matières premières et des engrais. Ce risque inquiète d’autant plus que la filière est encore à 25% constituée d’exploitations de polyculture-élevage beaucoup plus exposées à la volatilité des prix et des coûts que les exploitations spécialisées.

> Les défaillances des entreprises du secteur
Dans ce cadre, les variations du nombre de défaillances sont plus fortes dans le secteur laitier. De même, la croissance moyenne des défaillances est beaucoup plus élevée (+ 100%) que l’ensemble des entreprises (+ 31%) ou les entreprises agroalimentaires (+ 15%). Une tendance confirmée au niveau des élevages de vaches laitières (+162% entre 2006 et 2010 et +119% entre 2006 et 2014), ce qui s’explique notamment par l’accélération des restructurations des producteurs français. Cependant si l’on regarde le taux de défaillances, celui ci (0,38% en 2014) est nettement plus faible que la moyenne des défaillances françaises (2,54% entre 2008 et 2012).

Fin des quotas et opportunités pour la filière laitière

> Augmentation des exportations
Pour la Coface, l’une des premières opportunités à saisir est la conquête des marchés étrangers. De ce point de vue, la filière laitière bénéficie aujourd’hui de perspectives très favorables : démographie dynamique, consommation mondiale croissance, notamment au sein des pays émergents qui devraient largement augmenter leurs importations de produits laitiers. Une opportunité d’exportation pour les producteurs laitiers français reconnus pour la qualité de leurs produits et leur rigueur sanitaire.

> Intégration verticale du processus de production
La vente directe par les producteurs ne représentant que 3,3% des ventes en France, le pays conserve une grande marge de manœuvre en la matière. Dans ce cadre, la Coface remarque que l’intégration verticale du processus de production – transformation – distribution pourrait constituer une stratégie très efficace pour le maintien des marges pour les producteurs et l’amortissement de la volatilité des prix.

> Le choix de la filière biologique
Enfin, la Coface mentionne le choix de la filière biologique.  Une stratégie semblant en effet prometteuse lorsque l’on sait que de nombreux consommateurs français sont aujourd’hui beaucoup plus sensibles à la provenance et à la qualité de leur alimentation et prêts à s’orienter vers une consommation de produits biologiques et locaux. Aujourd’hui, 30% des produits biologiques consommés en France son importés et la part consacrée à l’agriculture biologique dans la surface agricole utilisée des exploitations (SAU) ne représente que 3,8%. Un créneau à exploiter !

Source : Panorama Coface
« Fin des quotas laitiers européens : une nouvelle ère pour la filière française »
http://www.coface.fr/Actualites-Publications/Actualites/La-fin-des-quotas-laitiers-une-nouvelle-donne